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Comme la section
"Signalisation" est un peu la mienne, je mettrais les discussions sur la toponymie ici.
Je suis aussi fana
de toponymie, c'est à dire l'étude des noms de lieu. Et surtout des noms de rue.
Pour partir le sujet, de
ces temps-ci, une discussion sur le changement de nom de l'avenue du Parc pour "avenue
Robert-Bourassa".
Pour informer ceux de l'extérieur: Robert Bourassa a été le permier ministre du
Québec et est mort il y a dix ans. Il était du parti Libéral (fédéraliste, centre-droit), ce qui ne plaît pas à ceux qui
sont des autres partis.
(Un 1er ministre ici est le principal dirigeant de la province ou du pays. Puisque nous
sommes dans une monarchie, c'est à lui que revient tous les pouvoirs.)
Ça rappelle le débat assez dur qu'il y
a eu quand le boul. Dorchester (traversant le centre-ville de Montréal) a été changé pour René Lévesque, premier
ministre très populaire, mais du Parti québécois (indépendantiste, centre-gauche). On a accusé le maire à
l'époque de faire encore un peu de nettoyage ethnique en se débarassant d'un nom anglophone, par exemple.
Maintenant avec Robert Bourassa, on a le problème qu'il nétait pas si populaire que ça, et pas très
charismatique, même si c'était finalement "un bon gars". Il a dû diriger le Québec pendant une période assez
mouvementée, et sa gestion de crise laissait, dit-on, à désirer.
L'autre problème est qu'il y a déjà un boul.
Henri-Bourassa (sans lien de parenté entre les deux), et qu'il y aurait donc deux artères importantes avec des
noms semblables, et aussi deux stations de métro "X-Bourassa". Heureusement, les deux rues X-Bourassa ne
se touchent pas, et les deux stations ne sont pas sur la même ligne.
Donc, aux québécois: vos
commentaires?
Moi, je trouve dommage qu'il faille changer un nom pratique et joli comme "Avenue du Parc".
On aurait dû trouver un lieu sans nom plutôt que de changer. Mais il mérite bien qu'on le commémore de façon
prestigieuse. Il n'etait pas si mauvais comme 1er ministre, même si je n'etais pas "de son bord". Et, il a été le
seul 1er ministre du Québec originare de Montréal aussi (ce qui est étonnant étant donné que Montréal
représente le tiers ou la moitié de la population du Québec).
Et aux européens, ces questions:
- Il y a
beaucoup de dé- et re-baptisage chez vous?
- On le fait à répétition, ou généralement juste une fois et on
accepte?
Quand on regarde une carte d'une ville française, on dirait que les changements sont fréquents. On
est frappés par la quantités de rues nommées pour De Gaulle et Jean Jaurès.
- Est-il exact de voir quand une
ville est traditionnellement de droite et de gauche par ces noms? La ville de St-Denis dans le "93" a toujours une
avenue Lénine.
- Est-ce que les noms qui commémorent des choses négatives sont acceptés, et comment? À
Nantes, il y a le Cours des 50-Otages. Ça fait rude... Tout un contraste avec les toponymes aux USA où rien de
controversé est fait. Justement, on a essayé de mettre des noms les plus banals possibles. Et quand on
commémore quelqu'un comme Martin Luther King, c'est fait de façon maladroite.
Pour résumer ce que j'ai
dit sur le site metrodemontreal.com:
Les règles de Frank-Talon en toponymie:
I. Nommer une
rue
1. On attend 10 ans avant de donner un nom à une rue à une personne (pour être sûr que la personne le
mérite, et éviter de commémorer quelqu'un qui a des squelettes dans son placard comme Lionel Groulx);
2.
On évite de changer les noms (car c'est réécrire l'histoire), et éviter de faire du "nettoyage politique", et surtout
du "nettoyage ethnique";
3. On accepte le passé (même si une rue a un nom banal ou qui rappele quelqu'un
qui ne le mérite pas, comme Amherst);
4. On doit accepter que les règles n'ont presque jamais été suivies
dans le passé, et éviter de changer ces noms mal faits (ça fera partie de la couleur locale), même les
sottises;
5. On résiste la tentation de faire des "réaménagements" ou des "embellissements" toponymiques
("Avenue du Parc" est banal, mais ce n'est pas une raison de la changer);
6. On le fait de façon harmonieuse
et euphonique (ex: "Martin Luther King Street" et non "Dr. Martin Luther King Jr. Memorial drive");
7. On évite
les noms trop longs ("Square des Écrivains-Combattants Morts pour la France" à Paris), les choses négatives
("Cours des 50-Otages" à Nantes), ou des voeux pieux ("Boulevard du Triomphe du Socialisme", autrefois à
Bucarest). Un bon exemple: pour commémorer les personnes décédées du sida, on a fait un "Parc de l'Espoir" à
Montréal, ce qui est joli et tout aussi représentatif;
8. On doit malheureusement éviter les noms pour ceux qui
ont un lointain passé douteux (Lionel Groulx), ou qui ont une jeunesse prestigieuse mais qui ont viré mal après
(Louis-Ferdinand Céline).
Comme la règle no. 1 est de ne seulement commémorer les morts, l'ironie est que
les gens controversés ne sont plus là pour donner leur avis, ou faire amende honorable, pour que la
commémoration soit plus facilement acceptée;
II. Changement d'un nom de rue
9. On ne change
que pour des raisons pratiques (comme deux noms pareils). Donc, ne pas réécrire l'histoire, même si elle est
un peu négative ou les noms ne sont plus représentatifs du présent (voir ci-dessus);
10. On doit
malheureusement parfois corriger des grosses erreurs du passé (Hitler en Allemagne, Staline en Russie), mais il
faut le faire rarement, et avec délicatesse et respect;
11. On change que quand ça ne dérange pas trop les
riverains (donc, privilérier des nouevaux aménagements plutôt que de dépabtiser);
12. On évite les
changements pour des raisons de petite politique (une nouveau maire qui change un nom parce que ça
commémore quelqu'un d'un autre aprti politique, par ex.);
13. On accepte les changements sans faire de la
petite politique aussi (car le maire est finalement le proprio de la rue, et s'il veut ce nom, il a le droit de le
faire);
14. On évite de faire des petits compromis (sectionner par ex.);
15. On évite la tentation de faire de la
grille des noms de rue une sorte de jeu d'échecs ou de Scrabble (surtout les débaptisages à répétition, comme
la rue Svetogorska à Belgrade);
16. On accepte les accidents de parcours, à moins qu'ils ne soient vraiment
fâcheux (ex: Lionel-Groulx est acceptable, même s'il fait grincer, mais Hitler, c'est toute autre chose!!
Conclusions:
17. Ne pas trop mettre d'importance! Parce que, finalement, les noms de rue ne
sont que des indicateurs pour se retrouver et pour acheminer le courrier! Ne pas oublier que des gens devront
mettre ce nom sur leur enveloppe!
18. La toponymie ne devrait pas être un roman à éditer. Mais elle le
devient quand même, acceptons-le. Il est naturel chez l'humain de mettre des charges affectives sur tout qu'il
voit.
« We are all in the gutter, but some of us are looking at the stars. » (Oscar Wilde)
Frank-Talon
Offline
C'est long tout ça, mais
je voulais l'écrire en quelque part.
Donc, lisez en diagonale, et ne me prenez pas trop au sérieux...
« We are all in the gutter, but some of us are looking at the stars. » (Oscar Wilde)
Frank-Talon
Offline
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